La démarche

Quelques mots sur la démarche

En m’intéressant aux mythes et légendes fondatrices de Rome, j’ai découvert l’Enéide, cette œuvre qui se voulait l’Iliade romaine mais qui est loin, dans notre culture contemporaine, d’être traitée comme celle d’Homère. Quand l’une a inspiré, rien que ces trente dernières années, quantité de livres et de films, l’autre est en effet presque tombée dans l’oubli…

C’est d’une volonté de rendre justice à cette œuvre étrangement méconnue qu’est né mon roman "Hesperia".


Si le texte d’origine possède bien tous les ingrédients d’une épopée moderne, j’ai néanmoins choisi pour cette adaptation de procéder à un certain nombre d’ajustements, de manière à lui donner un rythme et une tonalité propres.

Tout d’abord, j’ai choisi de me concentrer sur les chants VII à XII de l’Enéide, qui décrivent l’arrivée des Troyens au Latium et la guerre qui s’en est suivie, ainsi que de faire du chant II ces chapitres "intercalaires" qui racontent la chute de Troie. Je n’ai pas abandonné complètement le reste de l’œuvre, que j’ai utilisée comme toile de fond.

J’ai ensuite opté pour une approche réaliste, vis-à-vis du récit lui-même. Cela a commencé par éliminer toute intervention divine, et faire reposer l’enchaînement des événements uniquement sur les motivations des personnages et le contexte dans lequel ils évoluent. Cela s’est aussi traduit par un alignement sur nos connaissances archéologiques (peuples, cultures, religions, technologies, architecture, vie quotidienne…) et la géographie réelle du Latium.

Dans un souci d’adaptation du récit à notre époque et nos sensibilités, j’ai choisi par ailleurs de transformer les héros de Virgile en personnages "modernes". J’ai ainsi décidé de donner à Enée (parfait mais très lisse, dans le texte original) un certain grain romantique (au sens littéraire du terme), de doter le très effacé Achate d’une véritable personnalité et le très secondaire Mnesthée d’une histoire, de motivations… J'ai de même dépeint les adversaires des Troyens de façon plus nuancée, plus humaine, moins manichéenne.

Au niveau de la narration, enfin, j’ai choisi de proposer une focalisation interne mais en multipliant les personnages pour varier les points de vue, gagner en profondeur et permettre au lecteur d’assister à des événements parfois distants. Il s'est aussi agi de mieux équilibrer le poids des intrigues politiques, des destins personnels et des scènes de bataille.

En intégrant toutes ces contraintes et tous ces objectifs, l’idée générale a été de rester le plus fidèle que possible au récit d’origine (rôles des personnages, lieux et événements…), pour ainsi proposer une sorte de fiction historique, et non plus mythologique – même si nous savons aujourd’hui que le Latium de la fin de l’Age du Bronze n’avait pas grand-chose à voir avec ce que nous a décrit l’Enéide, 1300 ans plus tard…